mardi 20 septembre 2011

Samedi 20 septembre : l'amour du romancier et du poète


Moshik me parle d’un article qui est paru dans le plus grand quotidien du pays, Yedioth aharonoth, lors de la publication de son dernier roman, il y a deux ans. Il occupait quatre pages de l’édition du week-end, lue par un million et demi de personnes, sur sept millions que compte le pays. Il titrait : « L’Amour du romancier et du poète », avec une double page consacrée à sa photo et à celle de Dory. Après cela, plus personne ne pouvait rien ignorer de sa vie sentimentale. Il me parle des tensions que cet article a occasionnées avec sa famille, de la violence que la médiatisation peut introduire dans une vie. Après la réaction pénible de ses parents, il redoutait celle de sa grand-mère. Il espérait qu’elle n’ait pas lu l’article car après plus de soixante ans en Israël, elle lit toujours mal l’hébreu. Mais sa gouvernante philippine, qui avait vu les photos, le lui a signalé. La grand-mère lui dit : « Je lis lentement, paragraphe par paragraphe et je le trouve très bien : tu exprimes la vérité sur toi-même et les gens qui disent la vérité sont formidables. »
— Tu as l’air mieux qu’il y a plusieurs semaines.
— Je suis impatient de retrouver ma famille.
Je l’accompagne à la bijouterie de son père, où il travaille cet après-midi. J’achète une chaîne en or pour Anne-Sophie. Je vois Moshik en fils, c’est touchant. Je suis un peu gêné vis-à-vis du père, j’ignore pourquoi. Je sors, passe à la pharmacie. Moshik me rattrape à la sortie :
— J’avais envie de te faire un au revoir plus intime.
Pourtant, cette scène, sur un trottoir baigné de soleil, est pleine de retenue. Ce comportement préside à nos relations : la pudeur.
— Je suis heureux de rentrer mais tu me manques déjà.
Je me déplace un peu pour qu’il puisse me regarder sans être ébloui par le soleil.
— Toi aussi, tu me manques déjà.
J’utilise le verbe etga’age’a, avec deux guturales. Il dit : — Ani gam etga’age’a.
C’est la racine que je préfère, et le substantif qui va avec : ga’agu’im, nostalgie, un pluriel en hébreu, comme dans une chanson populaire dont la rengaine se termine par im ga’agu’im balev, avec des nostalgies plein le cœur, alors que dans la même langue, quand on est dans la lune, on a des papillons dans la tête.

Anne-Sophie m’écrit de Paris :
Il ne se passe pas un jour sans qu’Ezra dise : « Gilles revient dans xx jours, enfin, si on ne compte pas la nuit ! »
Simon est toujours plus pudique. Chez lui, le manque est à la hauteur de l’intériorisation.
Quant à moi, je savais que les derniers jours seraient les plus longs...