jeudi 15 septembre 2011

Lundi 15 septembre : le policier et le cimetière marin


Quand j’étais enfant, la rentrée des classes se faisait aujourd’hui.
Je raconte à Moshik et Dory mon saut de puce en Palestine. Quand j’en arrive à ma tentative de m’approcher de l’Esplanade des mosquées, je leur demande comment on dit en hébreu.
— Le mot n’existe pas, on dit le Mont du Temple.

Après réflexion, Dory trouve le terme, rehavat hamisgadim, mais précise qu’il est rarissime de l’utiliser, même chez les Israéliens de gauche.
— Nous avons tenté de visiter l’Esplanade l’an dernier. Un Ars (caillera) de la mishmar-hagvul (unité spéciale de la Police), chargé d’assurer l’ordre dans la Vieille ville, nous arrête et demande à Moshik d’ouvrir son sac.
— Il m’a demandé ce qu’il contenait.
— Nous n’avons pas compris la question : il suffisait d’ouvrir les yeux pour en constater le contenu.
— J’ai dû dire : « c’est une serviette, c’est une bouteille d’eau ». Et quand nous en sommes arrivés à la panoplie de médicaments dont je ne me sépare jamais, j’ai dû décrire les effets de chaque pilule : « celle-ci contre le mal de tête, celle-ci pour la digestion, celles-ci sont des enzymes car je supporte mal le beurre ». Le dernier objet était un carnet sur lequel Dory avait traduit en hébreu Le Cimetière marin de Paul Valéry. Le policier commença à considérer ce texte avec la plus grande suspicion et posa toutes sortes de questions.
— J’ai entrepris une leçon de poésie au milieu d’une rue de la vieille ville, à l’adresse du garde-frontière tenant ferme son arme automatique : qui était Paul Valéry, quelle est la place de ce texte dans son œuvre et pourquoi il est important de le traduire en hébreu.
— Nous n’avons pas su s’il nous prenait pour de dangereux extrêmistes juifs, un de ces « fervents du Mont du Temple » qui rêvent de plastiquer les mosquées dans l’espoir d’édifier le troisième Temple, ou pour les gauchos que nous sommes et qu’il convenait de harceler un peu.
— Ce n’était pas plus mal que nous ne puissions pénétrer sur l’esplanade, car cela aurait pu être considéré comme de la provocation.
— Du fait que vous êtes Israéliens ? Vous ne pouvez pas y aller en touristes ?
— Ça paraît difficile : nous ne sommes pas touristes, nous sommes Israéliens.