vendredi 2 septembre 2011

Mardi 2 septembre 2008 : où le narrateur redéménage et se replonge dans l'ambiance des débuts


— C’est toi, Gilles Rozier ? Téléphone.
Je suis la conservatrice de la Bibliothèque nationale dans son bureau, porte le combiné à mon oreille :
— Gilles tayerer ! Mon petit Gilles, c’est Yosl. La dernière fois j’étais fatigué, je n’avais pas le courage de te parler. Et puis je suis vieux, j’ai quatre-vingt-sept ans, la mémoire me manque. Mais après ton départ, j’allais mieux et je me suis souvenu d’un tas d’histoires sur mon père. Reviens me voir. Ne me pose pas de questions précises, je suis fâché avec les dates, est-ce que je sais quand mon père a quitté la Pologne ? Mais des histoires, je t’en raconterai. Je peux t’en dire jusqu’à la nuit. Quand repasses-tu ?

Je redéménage demain : je retourne dans l’appartement de Neve-Tsedek où j’étais au début de mon séjour. Nouvelle adaptation. C’est ce que je fais le moins bien dans ma vie, m’adapter. Cela me demande des efforts considérables, provoque mes angoisses. Me retrouver dans le même appartement pour clore ce séjour m’évoque un triolet, cette forme poétique qui répète le même vers au début et à la fin du poème. Une fois que l’on s’est laissé pénétrer par le mystère du poème, on lit ce vers différemment : l’auteur a raconté une histoire et ce n’est donc plus le même vers, immaculé, il est chargé de ce récit.


Le grand-père/beau-père de Rose a confirmé qu’il avait jeté le corps de la petite fille dans le Yarkon, l’un des deux seuls fleuves d’Israël, un à-peine-plus-que-ruisseau de vingt-sept kilomètres qui se jette dans la Méditerrannée au nord de Tel-Aviv.