jeudi 25 août 2011

Lundi 25 août 2008 : Jaffa vue de la mer


Raphaël B. m’emmène en bateau. Nous voguons pendant une heure et demi sur la Méditerranée au (petit) large de Tel-Aviv. Nous descendons vers le sud et longeons la côte jusque Jaffa Je vois la ville pour la première fois depuis la mer, comme nombre de voyageurs, d’immigrants. Jaffa porte bien son nom, la belle. Le contraste est saisissant entre Tel-Aviv la centenaire et Jaffa qui n’est pas loin des quatre mille bougies.
Nous sommes passés devant tous les bâtiments du bord de mer que l’on voit normalement du dessous. Les blocs de béton des grands hôtels sont (un peu) moins hideux vus de loin. Certains immeubles effrayants vus de dessous ne manquent pas d’une certaine classe malgré tout, comme la tour Opéra. D’autres sont des verrues plantées là pour des décennies, dommage. Entre Tel-Aviv et Jaffa, en bord de mer, se trouve un édicule, une ancienne maison arabe réhabilitée, la partie reconstruite étant résolument moderne, structure de verre teinté. Il s’agit du musée du Etsel, l’Organisation militaire nationale, communément appelée l’Irgoun, créée en 1931 après une scission d’avec la Haganah, la milice des sionistes de gauche. Bras armé du parti révisionniste de Jabotinsky, Le Etsel fut dirigé à partir de 1943 par Menahem Begin. Je ne suis jamais entré dans ce bâtiment, seulement passé devant de nombreuses fois, et il y a quinze jours, en allant me baigner un samedi après-midi, je suis tombé sur une plaque à l’entrée, « à la mémoire des combattants du Etsel qui ont lutté pour la libération de Jaffa ». Comprendre : la victoire des Juifs sur les Arabes lors de la guerre d’indépendance. Qu’en pensent les quelques dizaines de milliers d’habitants arabes qui persistent à  Jaffa ? Quelle identification peuvent-ils trouver avec l’État dans ces conditions ? Mais l’État n’attend aucune identification de leur part. Les politiques officielles et officieuses n’ont cessé de se succéder depuis 1948 pour les faire partir de la ville et transformer petit à petit cette colline du bord de mer en quartier résidentiel. Jaffa sera-t-elle aussi belle quand il n’y aura plus un Arabe ?

Dory me parle du film de Nurith Aviv.
— C’est un très beau film.
Roy y dit des choses formidables.
— C’est le meilleur des intervenants.
— Je l’ai redécouvert à Tel-Aviv. À Paris, il était beaucoup plus mal à son aise. L’air de Tel-Aviv lui fait du bien. C’est un garçon d’une grande finesse.
— Un des meilleurs traducteurs que je connaisse. Il pourrait être un grand poète : ses métaphores sont parmi les plus fortes que j’ai lues. Mais il n’ose pas montrer ce qu’il écrit. C’est dommage.

Et je n’ose pas lui demander quelle a été leur relation, ce qui les a éloignés l’un de l’autre. Ont-ils été amoureux ?