lundi 29 août 2011

Vendredi 29 août 2008 : Juifim à Jaffa


La ville s’est vidée de ses touristes français comme une chasse d’eau. Dory et Moshik m’ont emmené dans un restaurant de spécialités tripolitaines de Jaffa. Dory dit tripolitaines, mais j’y reconnais tous les plats que je mangeais dans la famille de mon cousin par alliance, des Tunisiens : couscous au poisson, bkhaïla. Je prends une lubia, délicieux ragoût d’épinards, de haricots et de viande, je n’en avais pas mangé depuis vingt ans. À la table à côté, six Juifs français d’origine tunisienne droits sortis de leur réserve naturelle : Sarcelles, ou Créteil. Les filles sont obèses à vingt-cinq ans, les hommes ont les cheveux longs et crépus, gominés et ramenés en arrière. Ils portent des kipas.
— Elles ressemblent à celles que l’on trouve en libre-service à l’entrée des cimetières, élimées.
— Ils ne les portent pas en permanence : la kipa est généralement rangée dans la poche arrière du jean, et ils la mettent pour entrer dans une synagogue, faire la prière le vendredi soir quand ils vont chez leur mère, et à la descente de l’avion  à l’aéroport Ben Gourion. Ils ne la quittent plus, même pas pour aller aux toilettes.
— J’ai suggéré au père de Moshik de nouveaux modèles de bijoux pour attirer cette clientèle qui ne regarde pas à la dépense.
— Un pendentif représentant une carte en or du Grand Israël, avec un diamant pour figurer Jérusalem.
— Et une perle pour Kiryath-Arba.
— Une paire de phylactères en fil d’or avec écrit dessus « La France, c’est de la merde ».
— Estampillé Hermès.

En sortant, je dis à Dory qu’il est fou de vouloir traduire ce poème de Mallarmé en hébreu. Il sourit : je ne l’ai pas convaincu.
La suite demain…