mercredi 17 août 2011

Dimanche 17 août 2008 : H. N. Bialik, Jean Genet et Dalia Rabikovitch

 Chatilla, 1982

J'ai fini la traduction d'un autre poème de Dalia Rabikovitch :

On ne tue pas un bébé deux fois

Sur les rives puantes de Sabra et Chatila
Vous avez fait passer quantité de frères humains
Qui en avaient acquis l’honneur
De ce monde à l’éternité.

Nuit après nuit
On a tiré
Puis pendu
Et enfin égorgé.
Des femmes paniquées surgissaient
Sur des monceaux de poussière :
« Ici on nous massacre,
À Chatila. »

La queue d’une lune de début de mois pendait
Au-dessus des camps.
Nos soldats, les nôtres, éclairaient les lieux de leurs feux
Comme en plein jour.
« Rentrez au camp,  Marsch ! », ordonnait le soldat
Aux femmes hurlantes de Sabra et Chatila.
Il avait des ordres.

Les enfants reposaient dans la boue,
Bouche ouverte,
Tranquilles.
Personne ne leur fera plus mal
On ne tue pas un bébé deux fois.

La queue de la lune s’est renflée
Devenue une belle miche dorée.

Nos chers petits soldats
N’avaient rien demandé,
Si fort était leur désir
De rentrer à la maison.


Le poème a ravivé en moi l’idée de relier Quatre heures à Chatila, de Jean Genet, et La Ville du massacre de Haim-Nahman Bialik, dont le vers le plus fort est sans doute :
Car de ses douces mains Dieu te fit ce doux présent :
Un massacre avec un printemps.

Trois textes à mettre en écho : le poème d’après le pogrom de Kichinev, la prose poétique de Genet après le massacre de Chatila, quand les milices chrétiennes ont égorgé des centaines de Palestiniens et que les fusées éclairantes de Tsahal permettaient le massacre, le poème d’après le pogrom de Chatila. Dalia Rabikovitch avait Bialik en tête quand elle écrivait ; Genet ne connaissait pas La Ville du massacre, mais sa démarche est la même : celui qui n’a pas vu mais qui constate le lendemain, imagine le massacre en lisant dans le regard des assassinés.

SMS à Moshik : J’espère que Dory n’a pas été trop choqué par mes propos de vendredi.

Kishinev, 1903