vendredi 26 août 2011

Mardi 26 août 2011 : que reste-t-il ?


Déjeuner à Jérusalem avec Simon. Il est le fils d’un militant du yidisher arbeter-heym, le Foyer ouvrier juif, l’antenne parisienne du poalei-tsion, les sionistes de gauche qui ont donné corps au parti travailliste israélien. En Pologne, ce mouvement a beaucoup défendu la langue yiddish, il était notamment l’un des partis associés, avec le Bund et le parti folkiste, dans la Tsisho, la grande organisation des écoles yiddish qui s’est épanouie entre les deux guerres. Mais du fait de son sionisme, à partir du moment où l’hébreu a été choisi comme langue du futur état juif, les poaley-tsionistes se sont trouvés en porte-à-faux, et l’hébreu a finalement gagné la partie. Ainsi, quand Simon avait douze ans, son père lui a fait apprendre l’hébreu plutôt que le yiddish. À présent, après avoir longtemps mis de côté cette facette de son identité — la yidishkayt —, il s’y intéresse à nouveau, l’âge aidant. Avant de nous séparer, je lui fais part de ma surprise devant le racisme ambiant.
— Quand les Israéliens te demandent comment l’on peut vivre en Europe avec autant d’Arabes, c’est autre chose : une projection, l’expression d’une angoisse de la situation israélienne.
Il conclut, exprimant son pessimisme :
— Il ne reste rien de la société travailliste que j’ai connue en arrivant, le pays est livré au capitalisme le plus sauvage, Jérusalem devient irrespirable du fait de la prédominence des Juifs religieux. Le nationalisme de mes concitoyens m’effraie et du côté palestinien, ce n’est pas mieux. Eux aussi ont changé, ce ne sont pas les mêmes que dans le temps : ils se sont radicalisés, politiquement et religieusement.