dimanche 17 juillet 2011

Jeudi 17 juillet : l'écrivaine qui cherchait son cavalier d'un soir

Alona m’a donné rendez-vous à La Cantina pour boire un verre, avant de nous rendre à un vernissage à la Galerie Le Minotaure.
— Tu seras mon cavalier pour ce soir.
Comment fallait-il comprendre cette invite ? Quand j’arrive au restaurant, Alona est déjà au bar, en conversation avec une amie, universitaire parisienne grandie en Israël. Il m’arrive rarement de parler hébreu avec une Française, étrange sensation, jusqu’à ce qu’Alona s’absente un instant et nous passons au français, plus naturel. Alona revient. La conversation fuse entre elles, je m’accroche aux rideaux pour suivre, Alona parle comme une kalachnikov, bon entraînement. Nous prenons un taxi. La galerie est bondée. Elle expose la deuxième avant-garde russe, les peintres des années 1960 à 1980, qui peignaient en douce des œuvres hors de la ligne réaliste socialiste. Je m’apprête à faire tapisserie, à suivre Alona comme son petit chien puisqu’elle m’a dit que je serais son cavalier. Et tout en elle suscite cette attitude : elle dégage un curieux mélange de grande féminité et d'une aura masculine. Il y a beaucoup de Russes. Tout à coup, je rencontre Hillel, qui est venu me rendre visite il y a quelques mois à la Bibliothèque Medem. Il a vendu voici quelques années une collection de livres yiddish illustrés par les plus grands représentants de la première avant-garde russe, Chagall, El Lissitzky, Tshaykov, Rybak au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme. Le musée prépare une exposition sur ce sujet, il nous emprunte pour l’occasion quelques raretés et Hillel voulait voir nos collections. Il a été surpris et émerveillé par la richesse de ce que nous conservons. Plus loin, je vois Velvl, un poète yiddish d’origine russe, puis Dov-Ber, professeur de yiddish dans l’Indiana, poète yiddish aussi, né en Russie, grandi en Israël. Mon maître parisien dit de lui qu’il est un cas unique : poète yiddish fils de poète yiddish. Tel-Aviv est un village et le monde est petit. Il y a quelques jours, quelqu’un m’a dit : « Tu connais la théorie selon laquelle un maximum de quatre personnes te relie à n’importe quel individu dans le monde, le Pape, Bush, le roi des Zoulous. Eh bien chez les Juifs, c’est deux personnes maximum ».
— Finalement, tu connais plus de monde que moi, ici.
Alona prend congé. Je lui offre l’exemplaire de Ahava klua que je destinais à Gil, tant pis pour lui : il est parti. Qu’entendait Alona par « être son cavalier » ?