dimanche 18 septembre 2011

Jeudi 18 septembre 2008 : fin de l'histoire de la petit Rose


Le corps de la petite Rose a été rapatrié en France pour inhumation. Souvent, les dépouilles prennent le chemin inverse : de nombreux Juifs morts en Diaspora se font enterrer en Israël, notamment sur le Mont des Oliviers. Quand je demande à Dory pourquoi, selon lui, elle n’est pas enterrée ici, il me dit, non sans ironie :
— Sans doute parce qu’elle n’est pas juive, il n’y a pas de place pour les non-juifs dans les cimetières.

Il y a des cimetières autres que des cimetières juifs. Mais je suppose que le pays ne veut pas de cette histoire qui l’a épouvanté, comme s’il fallait évacuer un fait divers que l’on croyait jusqu’alors impossible d’advenir dans l’État que sa déclaration d’indépendance proclame constitué dans « l’esprit des prophètes ».
Moshik m’envoie par mail le journal qu’il a écrit à propos de la naissance de sa nièce et de la maladie de sa grand-mère. Un texte très touchant qui paraîtra dans le prochain numéro de Ho !, la revue de Dory, en même temps qu’un extrait de ce journal. J’ai souvent dit à Moshik que sa grand-mère ferait un beau personnage de roman, avec ses amies Cairotes. Dans un chapitre qu’il m’avait fait lire, quatre amies se retrouvaient une fois par semaine dans un fast food de la place Yitshak Rabin pour feuilleter le dernier exemplaire de Paris Match. Toutes ces femmes parlaient le français en roulant les r, à la manière de Dalida, et vivaient dans la lumière de Paris sans jamais s’y être rendues.

Dîner avec Dory dans un restaurant italien. Il me raconte ses relations avec le monde littéraire israélien. Son premier recueil de poésies, Miut (Minorité) a soulevé un ouragan dans l’establishment littéraire israélien. Plus tard, la revue Ho ! a créé l’événement. Huit cents personnes ont assisté à la présentation du premier numéro, et on a refusé du monde. Certains critiques se sont déchaînés, traitant la revue de rétrograde. L’un d’eux n’a pas hésité à exprimer son homophobie pour dénoncer la décadence des poèmes de Dory. Dory déplore cette situation mais il en jouit également. C’est son côté anar.
— Tu vas aller voir Sutzkever, pendant ton séjour ?
— Non. Je préfère garder le souvenir du beau septuagénaire que j’ai connu il y a vingt ans.
La suite demain…