jeudi 14 juillet 2011

Lundi 14 juillet : toujours la même et toujours différente


La mer est là, bien sûr. On finit par l’oublier parce qu’il est rare de la voir de l’intérieur de la ville. Tel-Aviv n’est pas Nice ou San Francisco. La ville est relativement plate (quoiqu’à force de transpirer à vélo, je me rende à l’évidence qu’il n’en est rien), elle ne descend pas en pente douce vers la mer. Elle s’est installée sur des dunes de sable. Si l’on n’est pas sur la promenade du bord de mer, on la voit rarement, si ce n’est quand, venant du sud, on débouche de l’immonde rue Allenby dans la non moins hideuse rue Ben-Yehuda : on voit alors, sur la gauche, dans la continuation de la rue Allenby, ce spectacle toujours surprenant : la mer, sa ligne bleue striant l’horizon. Il y a deux villes dans une : à l’ouest, du nord au sud, la mer, accompagnée de sa guirlande d’hôtels bétonnés, façon Miami Beach. J’ai malgré tout un faible pour le Dan, une belle construction des années 1960 dont la façade donnant sur la mer a été décorée par le plasticien Agam. C’est un des seuls à proposer des vraies chambres avec vue sur la mer. Les autres hôtels, des blocs de béton souvent bruts des années 1970 et 1980, proposent des chambres aux fenêtres sur les façades nord et sud et il faut se tordre le cou pour voir la mer de sa chambre. De la plage, on a droit à leur façade ouest : un mur de béton. Ce collier s’enrichit presque chaque année d’une nouvelle perle. La mer impose son empreinte sur deux grandes artères nord-sud : la rue Hayarkon (circulation sud-nord) et la rue Ben-Yehuda (circulation nord-sud). Jusqu’à la rue Dizengoff (circulation dans les deux sens), la présence de touristes et de baigneurs se fait encore sentir, mais passée cette limite, la mer disparaît : on est dans une ville ordinaire, et le bleu n’est visible que quand on lève la tête vers le ciel.
On dirait que baigneurs et passants ne sont pas les mêmes, qu’ne frontière les sépare. les Israéliens de la plage semblent surgis d'on ne sait où. A contrario, on n’imagine pas la jeunesse bobo du boulevard Rothschild en maillot de bain, ou se passant les pieds sous l’eau pour les désensabler en remontant de la plage. Pourtant, presque tout le monde avoue qu’à un moment de creux, comme une parenthèse dans la journée, un baiser volé à celle-là qui est toujours la même et toujours différente, il est allé à la mer.



Dans la nuit
Une bonne adresse pour faire la teuf : résidence de l’Ambassadeur de France, réception du 14 juillet, Jaffa. Tout a commencé le plus correctement du monde. Accueil des invités vers 20h00 (les gens importants, dont le président Shimon Peres, ont eu droit à une réception privée à 18h00), cocktail dans les somptueux jardins de la résidence. Les dames en talons aiguilles ont du mal à se mouvoir sur la pelouse, elles s’enfoncent. Il s’agit d’un mélange surprenant d’Israéliens francophones, d’expatriés français plus ou moins rattachés à l’Ambassade, et de Juifs de France devenus Israéliens. Ce sont les plus pathétiques : des vieilles personnes restées dans l’état (hormis pour la conservation physique) dans lequel elles étaient quand elles se sont installées en Israël il y a trente, quarante ou cinquante ans. On mange un morceau — pas grand-chose à mettre en bouche mais délicieux, de la charcuterie, des fromages français — on se fait servir un alcool, deux alcools, et on continue. La musique ? En debut de soirée, de vieilles chansons françaises, Aznavour, Christophe (l’inévitable « et j’ai crié… », Anne-Sophie, véritable juke-box, s’en serait donné à cœur joie) et à mesure que l’alcool remplit les verres, la musique change de ton. C’est Raphaël qui a constitué la track-list, il s’y connaît, le garçon. On passe à des morceaux plus dansants, on continue de boire dans la moiteur de ce soir d’été, on transpire mais on s’en moque, on est en plein air. Les dames ôtent leurs chaussures pour être plus à l’aise. La plupart des Israéliens s’en vont, les vieux aussi, il reste surtout les expatriés et notamment une kyrielle de volontaires internationaux en poste dans le pays, qui dans une Université, qui enseignant à l’Institut français, qui chercheur à l’Institut scientifique Weizmann. La sono passe à la musique arabe, des tubes que l’on entend en France ou en Israël. La résidence de l’ambassadeur est située sur une colline au milieu de la ville arabe de Jaffa, dans le quartier de Ajami. De la terrasse opposée aux jardins, on a vue sur la mer. Sensation de poupées russes : on danse sur de la musique arabe, sous le drapeau tricolore entouré de Français, au milieu d’une ville arabe. Et les voisins, habitants de la ville, que pensent-ils de ces Français un peu guindés qui tout à coup se laissent aller ?
L’ambassadeur danse comme un fou avec les volontaires internationaux qui ont l’air de trouver la situation inhabituelle. En fin de soirée, je vais méditer, vautré dans un canapé art déco de l’intérieur de la résidence. Magnifique décor en bois de palissandre, somptueux mobilier 1930. On imagine Claudel ou Saint-John Perse. La France a de beaux restes. Vive la République !

14 juillet 2008 14:59:02
Un petit mot juste avant de partir.
J’avais laissé Skype allumé. Le téléphone a sonné. Ezra a répondu et un charmant jeune homme, Kouider, est apparu. Il appelle d’Oran, en Algérie. Et il insiste pour qu’on mette la webcam !
Dommage, ce n’était pas toi. Quant à ce Kouider, j’espère qu’il va arrêter de téléphoner !
Tendre baiser,
Anne-Sophie