Je me suis plongé dans la correspondance de Rokhl à Melekh, de belles lettres d’amour d’une poétesse, très littéraires. Elles occupent trois boîtes d’archives. La première date de 1923, la dernière du début des années 1950. Au début, Melekh habite Varsovie, Rokhl est une bourgeoise de province mariée. Elle habite Przemysl, une ville moyenne de Galicie. Les lettres sont intéressantes à un autre titre : elles me permettent de suivre les différentes adresses de Melekh. Car il quitte la Pologne à partir de 1931, d’abord momentanément, puis définitivement en 1935. Paris, Hong-Kong, Harbin en Mantchourie, Singapour, Melbourne, Johannesburg, Buenos Aires, Santiago du Chili, Mexico, New York. En 1941, quand les soviétiques quittent la région à l’avancée des nazis, Rokhl s’enfuit de Przemysl vers l’intérieur de l’Union soviétique, écrit d’Ouzbekistan en 1943, de Moscou en 1945, de Lodz en 1946, de Stockholm en 1947. La correspondance s’arrête en 1948 car elle s’installe à Montréal où Melekh s’est fixé en 1941. À partir de ce moment, ils se sont fréquentés, des photos l’attestent, mais que se sont-ils dit ? La correspondance est épaisse, elle est manuscrite en yiddish, parfois en polonais (je ne pourrai pas lire ces passages), cela va me prendre du temps. Avrom, mon ancien professeur de l’université hébraïque, m’a indiqué ces lettres d’amour sur l’air de ne pas imaginer un roman sans amour. Je n’y avais pas pensé, mais il a sans doute raison. Confronté à cette question — comment parler de cet amour dans mon roman — je réalise que je me projette plus aisément dans l’amitié intense entre Uri-Zvi, Peretz et Melekh que dans un amour.
L’action se situe à Tel-Aviv entre le 27 juin et le 25 septembre 2008. Le narrateur, Gilles Rozier, y est en résidence pour poursuivre l'écriture du roman qui deviendra "D'un pays sans amour" paru aux éditions Grasset le 24 août 2011. Le plateau est ensoleillé, très ensoleillé. On sue sous les projecteurs et parfois, une climatisation bruyante vient rafraîchir les comédiens et le public.
dimanche 7 août 2011
Jeudi 7 août : la poétesse amoureuse
Aux archives, je surprends une conversation entre Melekh et Uri-Zvi. On est le 15 juillet 1954. Uri-Zvi vient de recevoir le prix Bialik. Melekh dit à Uri-Zvi qu’il a assisté à la remise du prix. Il lui écrit : "Ikh bin oykh geven in beys-oylem, j’étais aussi au cimetière". Nous étions à la même cérémonie dans les mêmes lieux, à cinquante-trois ans d’intervalle.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire