Dans l’après-midi, thé au Mazarine, rue Montefiore, avec Benny. Nous ne nous sommes pas encore vus depuis mon arrivée. Il était en voyage en France avec ses parents et sa tante Pnina qu’il appelle Doda Pnima (tante intérieure). Ses parents voulaient voir Drancy. Des membres de sa famille sont-ils passés par le camp ? Même pas. Il parle de l’obsession de ses proches pour le Génocide. Je croyais que celle-ci touchait en priorité les Juifs laïcs, qui avaient remplacé le culte religieux par celui du Génocide. Dans sa famille (ses deux sœurs ont respectivement onze et neuf enfants), la religion est prioritaire mais le Génocide vient tout de suite après. Ses sœurs se conforment à la prescription de ne jamais quitter la terre d’Israël, un commandement religieux que seules des personnes très orthodoxes appliquent. Elles ont fait une exception : pour se rendre à Auschwitz.
Je lui parle de l’utilisation pervertie de la mémoire du Génocide en France. En exemple : quand on recherche des pièces d’archives sur le site du Mémorial de la Shoah (j'évite en général d'utiliser ce dernier terme qui semble vraiment sorti d'une officine de marketing,), on peut les réunir dans un document récapitulatif qui s’appelle « Ma sélection ». Il rit jaune (en yiddish, ont dit lakhn mit yashtsherkes, rire avec des lézards).
— Tu l’as signalé aux gestionnaires du site ?
— Comprendraient-ils de quoi je parle ?
— Ici, le Génocide est l’objet d’un monopole d’état, qui s’exprime par le musée national de Yad Vashem.
Benny me propose de publier une nouvelle, traduite en hébreu, dans les pages littéraires de Haaretz. Je lui promet de lui envoyer un texte, j'ai dans la tête une nouvelle, Mon cousin Benjamin, que j'ai écrite il y a quelques années, qui avait été refusée, malgré le fait qu'ils me l'avaient commandée, par les Cahiers du Judaïsme, sans doute pas assez propre sur elle.
Après nous être quittés, je découvre un pochoir sur le trottoir du boulevard Rothschild : Shalit akhshav (Shalit maintenant), réalisé dans la même graphie que le cigle du mouvement La Paix maintenant (Shalom akhshav). Étonnant comme une nation voudrait que son destin soit suspendu à celui d’un seul d’entre les siens, soldat capturé dans l'exercice de ses fonctions et retenu prisonnier par des membres du Hamas à Gaza. Je pense aux parents de ce jeune. Eux attendent évidemment sa libération avec impatience. Leur vie ne dépend que de cela. Mais pourquoi d’autres, étrangers à lui, devraient ressentir la même angoisse ? Les auteurs de ce pochoir ne comprennent-ils pas que le jeune Shalit est également l’otage de l’attitude du gouvernement israélien à l’égard du peuple palestinien ?
Après nous être quittés, je découvre un pochoir sur le trottoir du boulevard Rothschild : Shalit akhshav (Shalit maintenant), réalisé dans la même graphie que le cigle du mouvement La Paix maintenant (Shalom akhshav). Étonnant comme une nation voudrait que son destin soit suspendu à celui d’un seul d’entre les siens, soldat capturé dans l'exercice de ses fonctions et retenu prisonnier par des membres du Hamas à Gaza. Je pense aux parents de ce jeune. Eux attendent évidemment sa libération avec impatience. Leur vie ne dépend que de cela. Mais pourquoi d’autres, étrangers à lui, devraient ressentir la même angoisse ? Les auteurs de ce pochoir ne comprennent-ils pas que le jeune Shalit est également l’otage de l’attitude du gouvernement israélien à l’égard du peuple palestinien ?
Le soir, en famille, nous retrouvons Raphaël, Sarah et une petite bande des étudiants du séminaire de yiddish à un concert de musique klezmer au Club Levontin. On m’avait recommandé ce jeune groupe, Oy division. ça danse bien pendant le concert. Simon est surpris, gêné peut-être, de voir son père s’éclater. Le chanteur est imprégné d’âme juive. Un autre musicien chante en russe. Ça change de certains musiciens un peu kitsch qui ne comprennent rien à la yiddishkayt. En sortant de la salle climatisée, située en sous-sol, mon corps de bon Français a le réflexe de se dire : « nous remontons à l’air libre, on respirera mieux », mais c’est l’inverse, car nous sortons de l’air climatisé pour replonger dans la moiteur de la ville, saisissante. On finit la soirée dans un bar, Frieda Kahlo, rue Lilienblum.
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